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Artothèque - Maison de la Culture de Nevers Agglomération
L'œuvre Ouvrir

Enfants enchainés sur une péniche, Paris, 1953

  • Photographie
  • Dimensions de l’œuvre : 30x40
  • Date de l'œuvre : 1953
  • Date d'entrée : 17/06/2024
  • Numéro d'inventaire : 127-PH-WEISS

Photo reportage.

L'artiste Ouvrir

WEISS Sabine

  • Photographie
  • Localisation : internationale

C’est en 1937, que Sabine Weiss (1924-2021) alors âgée de 13 ans, achète son premier appareil photo. Cette nécessité de « sauver ce qui va disparaître » ne la quittera plus et elle décide à 17 ans de faire de la photographie son seul et unique métier, preuve d’un caractère affirmé pour une jeune femme vivant à une époque où les femmes travaillent rarement par passion.

Avec 120 photographies présentées en grand format à la Maison de la Culture de Nevers, cette rétrospective restitue tous les thèmes emblématiques du parcours exceptionnel de cette personnalité discrète et déterminée, capable de se fondre dans tous les milieux et de nouer un contact immédiat et particulier avec ceux qu’elle photographie.

Qu’ils soient sculpteurs, peintres, écrivains, musiciens ou acteurs célèbres, un passant place de la Concorde un jour de pluie, deux petites filles qui s’amusent dans une rue de Naples, des amoureux enlacés à Paris, un homme priant à Taïwan, ou un petit mendiant à Tolède, Sabine Weiss les a regardés avec la même bienveillance, leur accordant la même importance. C’est certainement ce qui interpelle à la vue de ces tirages qui mêlent inconnus et personnalités.

La solitude, l’ennui, la confiance, la détresse, la joie sont ces émotions parfois fugaces, souvent intimes qui sans un mot nous renvoient à notre humanité commune. Les photographies de Sabine Weiss en sont le miroir qu’elle nous offre pour ne pas oublier ce qui a été, afin de mieux apprécier l’instant présent.

Sabine Weiss appartient à une génération de photographes qui débutent leur métier dans la France meurtrie d’après-guerre où les conditions de vie sont dures mais dans laquelle s’immisce peu à peu un parfum d’insouciance qui conviendra parfaitement à cette femme éprise de liberté qui, comme elle le dit, n’a peur de rien.

Les artistes comme les lieux qu’ils fréquentent, sont plus accessibles qu’aujourd’hui. Elle fera le portrait d’Ella Fitzgerald, croisée en coulisses lors d’une soirée au Théâtre des Champs-Elysées ou celui de Brigitte Bardot, arrivée au rendez-vous en avance dans une boutique parisienne. Des imprévus qu’apprécie Sabine Weiss qui ne photographie que sur le vif, sans pose, préférant mettre à l’aise son sujet dans l’instant.

Parmi les 24 portraits de célébrités présentés, certains sont des commandes pour des magazines comme ceux de Françoise Sagan, Jeanne Moreau ou Samuel Beckett tandis que d’autres sont des amis de Sabine Weiss et de son mari Hugh, peintre américain. Elle photographie ainsi Joan Miro, Niki de Saint-Phalle, Maria Callas, ou encore Alberto Giacometti qu’elle connut par l’intermédiaire de sa femme Annette, amie de lycée à Genève et qu’elle trouvait « déjà intimidant ».

Dans ces portraits de « stars » où l’apparence pourrait n’être que le seul point d’attention, c’est la composition de l’image, toujours très rigoureuse, qui sublime l’intensité des regards : les lignes du rideau passant derrière le peintre Kees Van Dongen ou l’empilement de chaises en arrière-plan d’Eugène Ionesco. L’une des photographies qu’affectionne particulièrement Sabine Weiss est le portrait du chef d’orchestre allemand Wilhelm Furtwängler, figure nette entourée d’éléments floutés en raison de l’absence de flash : « je n’avais pas pris mon flash et j’ai du attendre que des photographes déclenchent le leur pour pouvoir éclairer ma photo, ce qui donne ces flous que j’aime beaucoup, striés, qui rappellent le mouvement des archets des violons » se souvient-elle.

Les grands formats particulièrement mis en valeur à la Maison de la culture sont peu familiers de Sabine Weiss qui avait l’habitude d’exposer, comme tous les photographes de son époque, des tirages au format 30x40. Voir ses photographies ainsi agrandies est pour elle étonnant et renouvelle le regard qu’elle porte sur ses propres productions.

Car il a fallu du temps à Sabine Weiss pour s’intéresser à l’exposition de son travail. C’est Robert Doisneau, qui la repère en 1952 et la fera entrer à l’agence Rapho, qui lui conseille de bien choisir ses photos et d’en soigner les tirages pour sa première rétrospective en 1978 à Arras, alors qu’elle y accordait peu d’importance : « C’était mon mari peintre qui devait être exposé, moi je voyais mes photos tirées dans les magazines ».

Pourtant, cette première exposition dont elle choisit les photographies (plusieurs expositions avaient eu lieu en 1954 aux Etats-Unis), aura un effet inattendu pour elle lorsqu’elle eut fini l’accrochage. Elle prend soudain conscience de ce qu’elle photographie : « J’ai soudain senti ce qui me touchait dans ce que je photographiais » dit-elle, confiant être sensible à l’émotion que ressentent à leur tour, ceux qui parcourent ses expositions.

Quelle plus belle invitation à ceux qui parcourent celle-ci, aujourd’hui ?

Celine Garcia

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